Choisir la voie adaptée à votre entreprise
La migration vers le cloud public est une préoccupation majeure pour tous les directeurs des services informatiques (DSI). En plus des grands projets de migration vers le cloud de Veolia, Engie ou Carrefour, une récente étude d’IDC France montre que les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) se sont également engagées dans cette voie.
Selon l’étude, 34 % des entreprises interrogées adoptent une approche « cloud also ». Cela signifie que le cloud est systématiquement analysé mais pas nécessairement privilégié. Parmi ces entreprises, 23 % optent pour une approche de migration projet par projet, tandis que 15 % adoptent une approche « cloud first ». 14 % des entreprises suivent une approche « cloud last », c’est-à-dire qu’elles ne considèrent le cloud que lorsque le traitement des besoins en interne n’est pas possible.
Selon Mohammed Sijelmassi, CTO de Sopra Steria, seulement 14 % des entreprises excluent encore totalement le cloud de leur environnement informatique. Il souligne que la première question que les DSI doivent se poser est la raison pour laquelle ils veulent migrer vers le cloud. Souvent, cette décision n’est pas motivée par des raisons économiques, car le cloud peut parfois être plus coûteux qu’une approche sur site. Au lieu de cela, cela peut résulter d’une volonté d’innovation afin de bénéficier des fonctionnalités disponibles dans le cloud.
Ainsi, à moins d’une volonté stratégique d’éliminer complètement les centres de données, migrer une application héritée importante en utilisant une approche de « lift and shift » n’est pas réellement avantageux et peut entraîner des problèmes de performance, de latence et de coûts. En revanche, pour le développement de nouvelles applications numériques, le cloud est la solution la plus évidente.
Éric Salviac, consultant principal en valeur commerciale chez Cisco Appdynamics, affirme que pour tout projet de migration vers le cloud, un travail préparatoire important est essentiel. Une fois que l’entreprise a défini la portée applicative à migrer vers le cloud, il est nécessaire d’effectuer un inventaire et un diagnostic. Les applications héritées étant structurées en couches successives, il est important de réaliser une cartographie fonctionnelle et technique pour décider de la manière de les migrer vers le cloud, voire de les déplacer telles quelles ou de les redévelopper partiellement.
Il existe cinq options pour migrer une application vers le cloud, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. Cependant, le critère de choix réel dépend de la stratégie de l’entreprise.
Le modèle des « 5R » a été défini par le Gartner dès 2010 pour représenter les cinq stratégies de migration vers le cloud : Rehost, Refactor, Rebuild, Replace et Relocate. Les projets de « lift and shift » sont relativement simples à réaliser, avec une durée limitée et un risque faible. Cependant, ces applications ne bénéficient pas pleinement des capacités offertes par le fournisseur de cloud, notamment ses services cloud. D’autre part, l’architecture de l’application n’est pas optimisée pour le cloud et une facturation à l’usage. Par conséquent, l’exploitation de ces applications dans le cloud peut être plus coûteuse que celle d’une application conçue spécifiquement pour le cloud.
En revanche, une application réarchitecturée et redéveloppée peut tirer pleinement parti des capacités du cloud cible, notamment des services PaaS (Plateforme en tant que Service) et Serverless. Cette approche présente des avantages en termes d’agilité et de productivité des équipes de développement et d’exploitation (DevOps). De plus, une application conçue pour le cloud ne consommera que les ressources strictement nécessaires à son fonctionnement, contrairement aux applications héritées qui nécessitent souvent de multiples instances en production 24 heures sur 24. Cependant, cette optimisation nécessite un travail d’ingénierie important et des délais considérables avant de disposer d’une application réellement « prête pour le cloud ».
Les projets de « rebuild » peuvent être extrêmement complexes. Il n’est donc pas surprenant que les programmes de migration vers le cloud s’étalent souvent sur plusieurs années.
Il est fréquent que les DSI doivent combiner ces différents modèles de déploiement en fonction des contraintes technologiques de certaines applications. Le « lift and shift » permet de migrer rapidement un grand nombre de charges de travail vers le cloud et de fermer les centres de données. Cette approche, parfois qualifiée de « quick and dirty », est considérablement simplifiée par l’utilisation d’outils de migration proposés par les fournisseurs de cloud, tels que cloudEndure chez AWS ou Azure Migrate chez Microsoft.
Au fil du temps, le modèle des « 5R » s’est enrichi, avec l’apparition des « 6R » voire des « 7R ». Par exemple, l’approche « Relocate » définit une migration de type « lift and shift » réalisée au niveau de l’hyperviseur plutôt que du système d’exploitation. VMware, un acteur majeur des infrastructures sur site, s’est positionné en tant que pivot dans la migration des infrastructures virtualisées vers le cloud public. Chaque grand fournisseur de cloud propose une offre VMware, telle que VMware Cloud on AWS, Azure VMware Solution, Google Cloud VMware Engine, Oracle Cloud VMware Solution et IBM Cloud for VMware Solutions. Toutes ces offres visent à faciliter le transfert des charges de travail des datacenters privés vers les infrastructures de cloud public.
Il est également important de prendre en compte les applications héritées lors de la migration vers le cloud. Si la migration des charges de travail en utilisant une approche « lift and shift » peut être industrialisée, tirer pleinement parti des capacités de mise à l’échelle automatique et réduire les tâches d’administration des plateformes passe par une réarchitecturation plus ou moins profonde des applications, voire par un redéveloppement des applications les plus obsolètes.
Une récente étude menée par Vanson Bourne auprès de développeurs, d’architectes et de DSI dans 49 pays estime à plus de 800 milliards de lignes de code Cobol encore en production dans le monde. De nombreux concepteurs de ces applications sont aujourd’hui à la retraite, ce qui rend extrêmement difficile leur adaptation à des architectures modernes. Selon Éric Salviac, consultant principal en valeur commerciale chez Cisco Appdynamics, pour bénéficier des avantages du cloud, il est nécessaire de repenser l’architecture de l’application, de la convertir en microservices et de la conteneuriser, tout en exploitant les services PaaS de la plateforme. Modifier une application héritée peut devenir rapidement très complexe, car cela implique de bouleverser l’architecture et peut nécessiter des efforts comparables à un développement complet depuis le début.
Au lieu de lancer des projets de redéveloppement coûteux et chronophages, Mohammed Sijelmassi suggère d’ouvrir ces applications héritées, qui sont généralement cloisonnées. Selon lui, pour adopter une vision transversale, il est nécessaire de pouvoir valoriser les données produites au-delà des applications elles-mêmes.
Après une migration de type « lift and shift », le CTO recommande de passer à une autre phase : l’APIsation de ces applications afin de libérer les données des applications et de pouvoir les exploiter plus efficacement.
En conclusion, la migration vers le cloud offre de nombreuses options et stratégies, allant du simple transfert des charges de travail à des réarchitecturations et des redéveloppements plus profonds. Le choix dépendra des objectifs de l’entreprise, de sa stratégie et de la nature des applications à migrer. Il est essentiel de réaliser une analyse préalable approfondie et de trouver le bon équilibre entre les avantages potentiels, les coûts et les efforts nécessaires pour une migration réussie vers le cloud.